1. Selon les titres de certains journaux (et pas seulement), la population perd de plus en plus la confiance qu’elle a placée dans les
mains de ses élus. Elle se désintéresse de la vie politique. Le nombre de bulletins non-déposés, de votes blancs et
de votes nuls, représentent un pourcentage de plus en plus élevé de votes. En 2019, tous niveaux d'élection confondus, les
votes non-valables représentaient 11 à 22 % de l'électorat.
Aux élections fédérales de 2019, selon les résultats à la chambre, cette opposition silencieuse représentait même la première force du
pays, avec 1.387.171 de voix, soit 16,98% de l'électorat.
Aux dernières élections fédérales du 9 juin 2024, ce n'est pas moins de 1.682.150 de voix, soit 20,1 % de l'électorat, qui
ne participent pas à l'attribution des sièges et n'a aucune représentation politique.
Aux élections régionales, ce n'est pas moins de 20,56 % des voix de l'électorat qui ne participent pas à
l'attribution des sièges et n'a aucune représentation politique. (Source)
Aux élections communautaires germanophones, ce n'est pas moins de 19,35 % des voix de l'électorat qui ne participent pas à
l'attribution des sièges et n'a aucune représentation politique. (Source)
Le sens d'un vote est propre à chaque individu et doit être respecté en tant que tel, sans être interprété. Cependant,
qu'ils soient valables ou non-valables, le sens d'un vote est pluriel et très bien décrit dans ces travaux :
• Une démocratie sans
électeurs ?
• Décrypter l'électeur
• Les Belges haussent leur voix
• Les électeurs locaux ont
leurs préférences
2. Le mot « démocratie » est vidé de son sens premier. Pour Francis Dupuis-Déri, il s'agit
d' une histoire de malentendu.
Les mécanismes internes de notre système électoral, tel qu'écrit actuellement, ne cherchent en aucune manière
l'avènement d'une réelle démocratie. Ce modèle n'est pas inclusif, il cherche plutôt à trier et à éliminer une
concurrence afin que les vainqueurs de cette compétition puissent ainsi imposer leur vision politique de la
société.
3. Les candidats sont sélectionnés sur base d’une notoriété qui leur permettra d’obtenir un nombre de voix supérieur à un autre candidat. Une fois élu, rien ne semble garantir que l’élu soit à l'écoute du citoyen, qu'il ne puisse prendre quelques largesses avec la morale, l’éthique ou la déontologie.
Dans plusieurs documents de référence, il est dit que :
• La Déclaration
universelle des droits de l'homme - Article 21
1. Toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, soit directement,
soit par l'intermédiaire de représentants librement choisis.
Nous ne choisissons pas les personnes inscrites sur les listes électorales, ni dans quel ordre leur nom y
apparaîssent. Choisissons-nous librement nos représentants dans ce cas ?
2. Toute personne a droit à accéder, dans des conditions d'égalité, aux fonctions publiques de son pays.
Cependant, pour déposer une liste en vue d’une élection, la démarche est différente pour une nouvelle liste. Ces
dernières devant recueillir des signatures de soutien, au prorata du nombre d’électeurs de leur commune ou
circonscription, tandis que les listes existantes se contentent de quelques signatures de candidats sortants
appartenant à leur propre liste.
3. La volonté du peuple est le fondement de l'autorité des pouvoirs publics; cette volonté doit s'exprimer par
des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret ou
suivant une procédure équivalente assurant la liberté du vote.
Comme l'indique Jean-Benoît Pilet (1), je cite : "Les systèmes électoraux se situent au coeur du principe
de représentation et donc au coeur même du jeu démocratique". Cependant, rien ne nous empêche donc
d’imaginer une manière complémentaire de se choisir un représentant. Hors, seule, l’élection est mise en place
dans nos "démocraties représentatives".
(1) Jean-Benoît Pilet dans Les systèmes électoraux de la Belgique, 2ème édition, Éditions Larcier 2018,
p.491.
• Moniteur Belge – Loi du 4 JUILLET 1989.
- Loi relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales, ainsi qu'au financement et à la
comptabilité ouverte des partis politiques.
CHAPITRE I. - Dispositions générales.
Article 1.Pour l'application de la présente loi, il a lieu d'entendre par :
1° parti politique : l'association de personnes physiques, dotée ou non de la
personnalité juridique, qui participe aux élections prévues par la Constitution et par la loi, qui,
conformément à l'article 117 du Code électoral, présente des candidats [1 au mandat de représentant]1 dans
chaque (circonscription électorale) d'une Communauté ou d'une Région et qui, dans les limites
de la Constitution, de la loi, du décret et de l'ordonnance, tente d'influencer l'expression de la
volonté populaire de la manière définie dans ses statuts ou son programme.
Un parti politique ne cherche donc pas vraiment à réaliser les volontés du citoyen, mais plutôt à imprimer
sa vision de la société. Et même si un élu se doit de représenter l'ensemble des électeurs, il est cependant
indépendant vis-à-vis de celui qui l'a élu.
• Refaire la démocratie – Rapport n°3100 en sa page 41 :
Le « gouvernement représentatif », rappelle M. Bernard Manin (1), a été conçu pour
contenir et encadrer la démocratie, et non pour l’accomplir. Il s’agit, néanmoins, d’un système
« plastique », qui n’a cessé d’évoluer depuis le XVIIIe siècle pour répondre aux attentes des citoyens.
Mais ceux-ci se reconnaissent de moins en moins dans leurs représentants. Selon Pierre Rosanvallon (2),
la démocratie souffre ainsi des dysfonctionnements, des mécanismes de représentation, maladie qu’il
nomme « mal-représentation ».
(1) Bernard Manin, Principes du Gouvernement représentatif, Calmann-Lévy, 1995.
(2) Pierre Rosanvallon, Le Parlement des invisibles, Éditions du Seuil, Raconter la vie, 2014.
Le système de gouvernement représentatif a donc bien été construit à dessein. C'est-à-dire, faire du citoyen
lambda, un être sans réel pouvoir de décision sur le plan politique. Et Jean-Benoît Pilet (3) ne dit rien
d'autre, je cite : "Pourtant, bien que de nombreuses recherches se soient posé la question des conséquences des
modes de scrutin, beaucoup moins ont tenté de comprendre les dynamiques menant à leur adoption ou à leur réforme.
... . Ceux-ci étaient tout simplement le fait de jeux de pouvoir par lesquels les réformateurs entendaient
changer pour gagner." Et de citer Pierre Martin (4) : "les positions des partis relativement à ce choix [d'un
système électoral] sont essentiellement fonction de leurs propres intérêts électoraux"
(3) Jean-Benoît Pilet dans Les systèmes électoraux de la Belgique, 2ème édition, Editions larcier 2018,
p.491-492.
(4) P. Martin, Les systèmes électoraux et les modes de scrutins, 2ème éd., Paris, Éd. Montchrestien, 1997,
p.144.
• Les lobbies et l’intérêt général de Vincent de Coorebyter - en sa page 4 :
La manière dont les lobbies revendiquent leur contribution à une authentique démocratie participative peut donc
trouver ses lettres de noblesse chez Rousseau. Il n’est possible d’atteindre l’intérêt général que si
toutes les composantes du corps social participent à la délibération, que si toutes les volontés particulières
s’expriment et sont prises en compte. À ce titre, les lobbies n’ont pas à être exclus de la délibération
: s’ils l’étaient, leur apport potentiel ferait défaut, la décision risquerait d’être injuste ou inappropriée
parce qu’elle aurait ignoré telle ou telle situation, telle ou telle facette de la réalité. Seul le
respect de cette condition garantit la pertinence et le caractère démocratique de la décision : ce n’est pas à
son résultat, à la teneur de la décision adoptée ou au nombre de voix obtenues, que l’on reconnaît l’intérêt
général, mais à la démarche suivie – ce qui annonce Habermas et sa philosophie procédurale de la
démocratie, comme délibération ouverte entre individus raisonnables et de bonne volonté.
Si les lobbies ont droit de cité, alors pourquoi notre système électoral évince-t-il près de 20,61 % des voix
de l’électorat (élections régionales wallonnes 2019). Comment atteindre l'intérêt général si tous les citoyens
ne sont pas représentés ?
Pour votre complète information, sachez que la majorité actuelle au Parlement wallon, ne représente que 49,27 % des
voix de l'électorat.